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Discours d'Henri de Latour le 8 mai 2018

Pourquoi continuer à commémorer le 8 mai 45 ?

 

Certains d’entre nous se souviennent qu’à la tête de l’État, sous prétexte de modernité, et au nom de la réconciliation franco-allemande, il fut naguère question de lisser, de gommer cette date, belle occasion d’alléger le calendrier d’une de ces journées de congé dont on nous répète à l’envi qu’elles parasitent notre productivité...

 

Et pourtant, elle reste en place cette célébration et ce, sans aucune connotation de revanche : nous ne fêtons pas la victoire d’un peuple contre un autre, mais celle de l’humanité contre la barbarie, et ici, en Cévennes, nous en sommes d’autant plus conscients que dans nos maquis nombreux étaient les Allemands et Autrichiens anti-nazis : ce fut d’ailleurs l’un d’eux qui hissa le drapeau français sur le toit de l’Hôtel de Ville de Nîmes, au jour de sa libération.

 

Nous nous souvenons également que dans la tête de ceux-là qui s’insurgèrent, au sortir d’une épreuve qui avait mis à nu les racines profondes d’un mal capable de saper les fondements même d’une civilisation, il n’y avait pas que des plans d’action d’inspiration militaire, mais aussi une réflexion beaucoup plus globale sur l’avenir.

 

C’est ainsi que la Charte du Conseil National de la Résistance posa le principe d’une solidarité collective, d’une protection sociale de haut niveau. Il y avait cette idée que chacun avait le droit de vivre décemment, d’espérer pour lui-même et ses enfants une société plus juste.

 

Bien sûr, cela passait, d’abord, par une politique d’amélioration des infrastructures, de l’hygiène, du système de santé, du logement, de l’éducation.

 

Mais au-delà de ces impératifs matériels s’inscrivait en filigrane la proclamation d’une autre urgence, une urgence permanente, indépendante des aléas politico-économiques, assignée à l’esprit humain : celle de nous donner de belles raisons de vivre.

 

A chacun d’entre nous cette injonction s’applique, et il nous revient de lui donner la réponse qui nous appartient personnellement ; mais elle a pour corollaire obligé l’esprit de dialogue, de rencontre, de reconnaissance de l’autre comme richesse, et comme source d’épanouissement.

 

Une troublante coïncidence fait que cette commémoration se situe au seuil du coup d’envoi du festival Doc Cévennes, à la faveur duquel des documentaristes venus de tous les horizons viendront nous faire part du regard qu’ils portent sur la réalité de notre monde : quel que soit le sujet qu’ils traitent, ils nous renvoient à cette même question, que vous pouvez voir reproduite à la une de nos affiches et de nos programmes, la sempiternelle question du poète à ses frères humanistes :

 

« Est-ce ainsi que les Hommes vivent ? »

 

C’est parce que nous nous la posons que nous avons bien raison de nous trouver ici ce matin, à réaffirmer sa permanente actualité.